Critique - Théâtre - Avignon Off
Les Frustrées
Portraits thérapeutiques !
Par Anouk PELLET
Le noir se fait dans la salle, et un rire éclate dans le public, de ceux que l’on ne peut pas arrêter. La contagion prend vite, et bientôt c’est l’hilarité générale parmi les spectateurs.
La salle s’allume, et une comédienne coiffée d’une perruque peroxydée, assise dans le public, entame un discours pompeux sur le spectacle imaginaire auquel elle vient d’assister : première esquisse des personnages sémillants, drôles malgré eux et parfois pathétiques qui vont se succéder sur le plateau, tirés des planches des Frustrés, de l’incontournable dessinatrice Claire Bretécher.
Des silhouettes dessinées d’un trait vif, sagace, moqueur et attendri, qui peuplent notre imaginaire commun, avec leur mines bravaches et leur yeux cernés. Et c’est merveille de voir s’animer devant nous ces instantanés du quotidien, de chair et d’os.
Toute gouaille dehors, les comédiennes Pauline Vaubaillon et Anne Laure Gofard – merveilleuses – s’amusent à incarner les adultes attardé.e.s, les mégères apprivoisées et les enfants turbulents.
Le spectacle est rebaptisé les Frustrées, et pour cause : rien de nouveau sous le soleil pour les femmes. Téléscopage entre ces héroïnes de papier et leur autrice, Claire Bretécher, prenant la forme d’un interview qui vient entrecouper les saynètes.
Une voix off masculine l’interroge, sur son parcours, son dessin, sa vie intime, et les deux comédiennes endossent tour à tour son rôle pour répondre. Il ne s’interdit évidement pas les questions serviles, exclusivement réservées à la gente féminine, comme « y a t-il un dessin féminin ? ». Claire Brétécher répond avec des pirouettes qui fusent, mais sans dérobade, avec le même esprit libre que l’on retrouve dans ses bandes dessinées – voire libertaire, « anti-militant » -, mais qui ne ménage personne, surtout pas elle-même, et qui n’est pas sans rappeler l’esprit Charlie.
Un spectacle à son image, comme un bon coup de pied dans la fourmilière des héroïnes doucereuses aux plastiques parfaites et tâche d’huile sur les mannequins de papier glacé. Thérapeutique !
Source : www.ruedutheatre.eu Suivez-nous sur twitter : @ruedutheatre et facebook : facebook.com/ruedutheatre
