Elle est assise seule, sur une chaise. Au milieu d’autres chaises renversées qui l’entourent. Elle attend dans l’immobilité du silence, ou dans le silence de l’immobilité. Lorsqu’elle parle, c’est pour raconter le bonheur qu’elle ressent d’être là dans une maison près de la mer avec l’homme qu’elle aime.
Son monologue intérieur se poursuit avec le récit des moments heureux, amoureux, précieux vécus en commun. Jusqu’au jour où des cadavres de migrants sans papiers échouent sur la plage visible d’une fenêtre du logis. Alors surgissent les questions. Ou les fuites face à la réalité. Et la dissension des points de vue entre elle et lui. D’autant qu’un jour, un enfant s’échoue à son tour.
Pour transmettre ces interrogations, ces doutes, ces élans d’empathie ou de rejet, Paul Verrept a composé un texte qui focalise l’attention et la tension sur le regard à travers un champ sémantique récurrent. À travers lui passent de multiples sensations, images. Un autre champ sémantique a trait à la parole, au langage : dire ou taire, mots ou mutisme. A cela se tisse le procédé de la répétition car des phrases redisent, ressassent, insistent créant une musique à leitmotivs.
La situation s’enlise peu à peu. Lui se conduit comme si rien ne s’était passé. Elle, à l’inverse, se questionne, en peuple ses rêves, agit. C’en est terminé de l’harmonie amoureuse. C’en est fini du bonheur lisse. L’amour n’est pas mort. Il ne suffit plus à resserrer les liens. Et s’y insère la présence ou l’absence de l’enfant, soudain incarnée sur le plateau par la présence réelle (ou mentale ?) qui parcourt l’espace, qui s’installe à une table, muette, pour y dessiner.
Verrept et son équipe créent une mise en scène discrète, basée essentiellement sur la présence permanente de Clara van den Broek qui distille sa parole, ménage ses effets, offre à son corps les réactions surgies de son psychisme. Ainsi s’infiltre dans l’intimité la plus secrète le bruit du monde extérieur qui engendre ses tragédies brutales.