Critique - Jeune Public - Bruxelles
Pinocchio le Kikirga
Pinocchio au pays des migrants
Par Michel VOITURIER
Issu d’une coopération entre la compagnie belge du Théâtre des 4 Mains et de la troupe burkinabée du Théâtre Soleil lors d’une résidence visant à encourager le théâtre Jeune Public en Afrique francophone de l’Ouest, ce spectacle remplace l’apprentissage de l’autonomie du galopin-marionnette italien par l’illusoire fuite des réalités de pays émergents vers le mirage d’anciens pays colonisateurs.
Résultat, un spectacle coloré qui mêle l’imaginaire africain, ses musiques, son jeu théâtral très corporel. De la fiction originelle, demeurent la transformation d’un pantin en enfant, la présence d’une conscience, l’allongement du nez à chaque mensonge, l’aspiration à une existence d’opulence et de notoriété, les tentateurs manipulateurs malsains, la créature féérique incarnant le bien, le voyage dans le ventre d’un poisson.
La couleur locale éclate dans les costumes, les masques, les mélodies et les ryhmes sur instruments typiques, l’intervention de figures mythiques autochtones (Mamiwata, Mamio, Siapopo et Guiro, Bala le Mignon, Périmpé…). La mise en scène, dynamique, profite d’éléments de décor mobiles, sortes de portiques nantis de rideaux en bandes de tissus, servant de coulisses où emprunter accessoires ou masques et d’accès rapides pour surgir ou disparaître, qui permettent aussi des modulations permanentes de l’espace scénique.

Le point de vue adopté qui actualise un conte intemporel est un atout supplémentaire. Le mirage dénoncé d’un Occident de nantis, de prospérité généralisée, d’avenir radieux s’avère message fort, susceptible d’éviter des dérives tragiques comme il y en a trop. La transformation métaphorique de la baleine initiale de l’histoire de Pinocchio en requin convient fort à la mentalité des passeurs syriens ou autres exploitant misère, espérance et crédulité.
Au passage, d’autres problèmes sont soulevés qui ajoutent des pistes de réflexions supplémentaires, telles celle de l’opposition entre générations, celle du pillage plus ou moins mafieux du patrimoine archéologique local qui appauvrit la culture autant que l’exil de cerveaux et d’énergies indispensables à l’évolution d’un pays.
Source : www.ruedutheatre.eu Suivez-nous sur twitter : @ruedutheatre et facebook : facebook.com/ruedutheatre