Critique - Spectacle musical - Avignon Off
La Framboise frivole fête son centenaire
Elle a toujours toutes ses dents
Par Michel VOITURIER

Un concert de Peter Hens au violoncelle et Bart Van Caenegem au piano, ce n’est jamais triste. Et c’est avant-goût de ce que deviendra plus tard l’hommage vivant complet qu’ils se préparent pour eux-mêmes et pour les fêtes de fin d’année. Car ceci n’est qu’un début, format condensé selon les normes du off d’Avignon.
On connaît la formule des deux acolytes (et si on ne la connaît pas, on a tôt fait d’y adhérer) qui adorent mélanger les genres en paroles et en musiques. D’abord, ce sont des Belges néerlandophones qui concoctent des jeux de mots en français et entonnent aussi en anglais sans compter qu’ils ont à leur actif des récitals en italien et en allemand. Ensuite ils jouent des morceaux de n’importe quel siècle, chantent des chants classiques ou des chansonnettes de variétés, voire des standards de jazz.
Le tout malicieusement (car la Framboise peut être narquoise) enchevêtré puisque dans la majorité des cas, les auditeurs ne se rendent pas immédiatement compte qu’ils sont passés d’une symphonie à une valse (issue du « Manuel Valls »), d’une cantate à un refrain de hit parade, d’un air d’opéra à une chanson enfantine populaire, d’un sirtaki à une farandole.
Nos deux virtuoses sont en premier lieu des spécialistes de l’autodérision (ils sont Belges, donc…). Avec un flegme tout britannique (ils restent Européens, eux), ils sont susceptibles de vous convaincre de l’impossible (encore que ça, ce n’est pas français) et, de toute façon, personne n’aura le temps de réfléchir (y a-t-il vraiment un étroit rapport entre râpe, rap et rapsodie ?).
Il faut bien constater que ni Peter ni Bart ne laissent personne souffler (probablement parce qu’ils n’utilisent pas d’instruments à vent) tant le rythme du spectacle est vertigineux. Déjà, enjamber les époques, transgresser les genres, ça fait tourner la tête ! Alors quand ça cavalcade, ça sarabande, ça pêle-mêle ou ça pot-pourri, nul temps se demander si les oreilles ont bien entendu ce qu’elles ont cru entendre.
D’autant que le lien qui parcourt cet ensemble hétéroclite et cohérent ce sont des anecdotes où le fictif est jumeau du réel. Ainsi ce rappel permanent des influences de Léonard de Vinci à travers les siècles. Ainsi cet épisode méconnu du bal organisé par l’actuel roi Philippe de Belgique pour présenter sa future épouse Mathilde (revenue grâce à Jacques Brel) au palais royal de Bruxelles. Ainsi cette démonstration irrécusable de la musicalité intrinsèque de la langue française, exemples à l’appui. Ainsi l’expérience d’un éclairage scénique totalement écologique qui prouve sans conteste que ces musiciens-là sont des lumières.
Bref, Peter Hens et Bart Van Caenegem font la paire. Ils jouent, chantent, gesticulent, racontent, trouvant rapidement une complicité avec le public très proche de leur propre complicité. Leur présence est sans faille. Leur talent partagé. Leur démarche déridante. Bis, s’il vous plaît, bis. Et même ter.
Source : www.ruedutheatre.eu Suivez-nous sur twitter : @ruedutheatre et facebook : facebook.com/ruedutheatre