Critique - Danse - Paris
Live ! The realest MC
Du ghetto au strass ...
Par Priscilla GUSTAVE-PERRON
Publié le 21 juin 2018
Le Théâtre des Abbesses programme dans le cadre de Brooklyn-Paris Exchange l’étoile montante de la danse américaine, Kyle Abraham et sa compagnie A.I.M, dans une reprise de sa création chorégraphique "Live ! The Realest MC". Gorgé de paillettes étincelantes et de musiques saturées ce nouvel opus pour 7 danseurs revient sur l’émergence du Hip Hop, l’adolescence dans le ghetto et la construction de soi. Triste mais brillant.
En scène un homme au pantalon doré et tee-shirt clinquant danse seul, songeur d’un temps passé ou rêvé dans un cabaret glamour de Chicago. Ses gestes souples, larges et réguliers évoquent une certaine assurance même si les fragmentations dans son rythme corporel laissent penser que ce ne fut pas toujours le cas. Il est l’aboutissement auquel tenteront de parvenir les deux autres danseurs gravitant à ses côtés. Dans cette quête, ils seront à la fois malmenés par leur entourage et surtout tiraillés par les codes radicaux mais non moins tabous de la virilité urbaine.
Kyle Abraham exige que nous ne soyons pas dupes, sous les paillettes persiste la violence, sous les sequins la déliquescence. Découvrir et affirmer son homosexualité dans un quartier afro-américain vibrant au son nouveau du gangsta rap n’est pas chose aisée … Et les combats intérieurs et extérieurs font rages si bien que le jeune danseur, cherchant sa voie, accapare le micro pour scander « Face down to the ground, like they was arresting me, Fighting in struggles, for who i want to be » (Face contre terre, comme s’ils m’arrêtaient, Je me bats, pour ce que je veux être). Tous vêtus du mythique survêtement noir – tenue unisexe uniforme et unitaire par excellence – ils occupent intensément l’espace du plateau semblable par son dépouillement à un coin de rue d’un ghetto.
Etonnement, le rôle des quatre danseuses est plus obscur … il ne s’agit pas d’une force alliée à cette lutte mais plutôt d’un métronome vivant (enchaînement de pas de deux, mouvements de balanciers, quadrille). Elles seront coryphée, chœur, témoins. Mais comme elles semblent passer aisément de l’uniforme stéréotypé à trois bandes aux tenues irradiantes et libertaires on comprend que c’est un combat auquel elles ne se livrent pas. Et définitivement seul le pendant masculin fait ici l’objet de toute l’attention du chorégraphe.
