Critique - Théâtre - Tournai
La cour des grands
Être éducateur : cahier des charges
Par Michel VOITURIER
L’élément le plus frappant de cette réalisation est l’imposant décor hyperréaliste tournant, extensible, modulable qui permet de montrer la façade d’une école, de pénétrer à l’intérieur pour y découvrir ses couloirs, sa cour de récréation, ses classes… C’est une manière de dynamiser l’espace scénique d’un spectacle davantage construit sur les discussions que sur des actions évolutives.
La structure narrative se compose ici d’une succession de saynètes dont l’objectif est d’inventorier plus ou moins systématiquement les différentes tâches qui incombent aux éducateurs dans une institution scolaire. Cette exploration ne va pas sans systématisme au détriment de l’intérêt dramatique mais au bénéfice du questionnement pédagogique et sociétal. L’émotion est reléguée au second plan alors que la réflexion s’impose comme objectif essentiel de la démarche.
Cathy Min Jung passe en revue les besognes de ceux qu’on désigne souvent sous le vocable de ‘pions’. À savoir : le strict respect des horaires, la vigilance pour empêcher tout intrus de pénétrer dans l’établissement, la comptabilité minutieuse des présences et absences, la surveillance des comportements indisciplinés ou violents, le remplacement de personnel malade ou empêché…
Mais, en dehors de ces services purement administratifs, ce qui concerne l’humain reste essentiel en dépit d’un éventuel manque de temps. Il est important, en effet, de remarquer des signes de troubles physiques ou psychologiques, de déceler des harcèlements ainsi que d’enquêter pour les éradiquer, de repérer des rejets ou des antagonismes, d’apaiser des intrusions parentales agressives, de s’inquiéter des causes de certains changements de comportements accompagnés de stigmates corporels.
Il arrive aussi qu’il leur faille trouver les conduites adéquates en cas d’insensibilité administratives face à des menaces d’expulsions de familles d’origine étrangère en situation précaire. Qu’il faille prêter une oreille attentive à l’une ou l’autre confidence sans risquer d’être accusé de penchants pédophiles, de déceler la vérité du mensonge pour éviter l’injustice. Et ce, en dehors des aléas de leur propre vie privée. Bref, il s’agit de rappeler aux parents, aux étudiants, aux responsables politiques l’importance de la qualité et de la variété de compétences nécessaires à une fonction souvent considérée, même parfois par les intéressés eux-mêmes, comme subalterne.
Les comédiens n’ont pas le travail facile. Ils sont quatre pour incarner des personnalités et des carrières diverses. Ils doivent se comporter de manière à suggérer de façon crédible la présence de la centaine d’élèves inscrits dans l’école. Ils y mettent la conviction nécessaire. Ils s’efforcent de rendre sensible un inventaire écrit d’abord en fonction de l’objectif réflexif final.