Théâtre - Tournai
L’homme est un loup
Si tu le dis c’est que tu l’es, oui mais…
Par Michel VOITURIER
Généralement, lorsque le décor est impressionnant, envahissant, il apporte peu, reste anecdotique, s’avère illustratif, impose un espace arbitraire, monopolise une bonne part de l’attention. Celui de Boris Dambly semble d’emblée superfétatoire : il a l’air d’une forêt véritable, une portion de parc naturel pour accueillir quelques sketches, portion que des arboriculteurs sont d’ailleurs en train d’installer, d’arroser, de peaufiner lorsque le public pénètre dans la salle.
Détrompez-vous. En conséquence du titre « L’homme est un loup », il crée l’ambiance très particulière des contes traditionnels, sombre, mystérieuse, chargée de dangers inconnus et peuplée de créatures maléfiques. Cela insuffle, en corréaltion avec les éclairages de Lauwers, donc aux histoires jouées un air de fables chargées d’une leçon à donner à propos de nos comportements très ordinaires comme semble le suggérer l’intitulé.
Ce sont des situations finalement assez ordinaires aux impacts inégaux : faire jouer un personnage dans des exercices de coaching de groupe, surprendre un patron qui prépare un discours à son avantage tandis que sa mère ne cesse de remettre tout à sa place normale d’ego très ordinaire, suivre la montée d’un conflit chez un couple uni après avoir croisé l’ex-amoureuse du conjoint, deux autres ménages se croisent l’un se refuse d’entendre ce qu’il y aurait à dire du bébé de l’autre…
Mais ces impostures qui aveuglent ceux qui les manigancent sur leur propre réalité ne sont pas les seules. Existent aussi celles qui, devenues publiques et dénoncées comme telles, ramènent leur mythomanie à une médiocrité honteuse d’avoir été dévoilée : cette auteure d’une récente autobiographie imaginaire d’enfance avec des loups ; cette athlète déclarée victorieuse d’un marathon dont elle n’avait couru qu’une infirme partie ; un journaliste célébré pour la qualité de ses reportages qui s’avèrent piteusement fictifs.
Paraître afin de se donner l’illusion d’exister, de posséder une aura que le quotidien semblerait mettre sous le boisseau, c’est un comportement humain somme toute fort courant. À chacun d’en tirer les leçons d’humilité, de relativité, de fragilité qui masquent des détresses plus ou moins profondes.