Chaque hiver, pour les fêtes, l’Athénée nous régale d’un spectacle lyrique léger, le plus souvent par la troupe désormais bien connue et appréciée des Brigands. Sans être exceptionnel, le cru 2019 fait connaitre une œuvre tombée dans l’oubli de Maurice Yvain, le compositeur à succès de l’entre-deux-guerres, auteur prolifique d’opérettes comme Ta Bouche et de tubes comme Mon Homme, immortalisé par Mistinguett. Les chansons sont, elles, signées du non moins fameux Albert Willemetz, qui a conçu des textes qui collent à la musique (et non l’inverse) sur le mode des « lyrics » de Broadway. Une petite formation de trois musiciens accompagne sur scène les acteurs/chanteurs dans leurs tribulations délirantes.
Coproduit par le Palazetto Bru Zane, Centre de musique romantique française, Yes, créé en 1928, marque l’introduction du jazz dans l’opérette. Mais tout en modernisant le genre, en lui insufflant une dynamique nouvelle venue d’Outre-Atlantique, le compositeur n’en restait pas moins ancré dans la tradition de l’opérette française et les fox-trots et autres one-steps américains alternent avec des romances sentimentales bien de chez nous. Complétement déjanté, le spectacle fait intervenir une foule de personnages loufoques, dont une aventurière qui n’a pas froid aux yeux ni la langue dans sa poche, Clémentine, dans la peau de laquelle une certaine Arletty fit ses premiers pas dans l’opérette.
Majordome communiste
Les deux metteurs en scène Vladislav Galard et Bogdan Hatisi ont organisé le plateau autour des instruments de musique qui sont ainsi partie prenante du spectacle ainsi que les musiciens qui mettent leur grain de sel de ci de là. Entre Londres, Le Touquet et Paris, on suit les aventures du fils du roi du vermicelle, Maxime, à qui son père ordonne de quitter Paris pour épouser une riche héritière chilienne de Valparaiso, la volcanique Marquita Negri. Avec le secours de la manucure Totte, et d’une ribambelle de personnages secondaires dont un domestique de music-hall, un majordome communiste, une cocotte aristocratique ...., Maxime va déjouer les plans de son paternel et, au terme de rebondissements tous plus abracadabrants les uns que les autres, tout ira pour le mieux.
Dans ce tourbillon surréaliste où se mêlent les couches sociales et où tout le monde est prêt à tout tout le temps, les metteurs en scène ont choisi de s’en tenir au premier degré. Mais les décors et costumes mêlent allégrement les influences voire les clichés, empruntant à l’imagerie expressionniste des toiles de George Gross ou d’Otto Dix aussi bien qu’à l’art déco, à la Revue Nègre de Joséphine Baker, au réalisme de Fréhel, ainsi qu’aux comiques, de Max Linder à Charlot en passant par les Marx Brothers.
Irrégulier dans son tempo, le spectacle accuse des baisses de régime. Mais la bande des chanteurs, de qualité inégale tant dans l’articulation que dans le chant, ne s’économise pas pour assurer les changements de décors et tenter de donner corps à la fureur de vivre de ces années dites folles.