Critique - Spectacle musical - Montpellier
L'Amour des commencements
La fabrique des sons
Par Cécile STROUK
D’elle, nous savions ce que Internet voulait bien nous dire : qu’elle était saxophoniste, performeuse et montpelliéraine. Peu de choses en somme, mais suffisamment pour nous donner l’élan de re-tourner à Montpellier rencontrer (l'univers de) Maguelone Vidal.
Ce jour-là, nous nous dirigeons vers le chai chaleureux de 'La Bulle Bleue', à quelques kilomètres du centre. Un joli nom pour désigner un projet d'envergure, structuré en Esat (Établissement et Service d’Aide par le Travail) : celui de donner un espace, une visibilité et une reconnaissance à des personnes en situation de handicap. En l’occurrence, une troupe professionnelle et permanente de 13 comédien.ne.s, d’un âge oscillant entre 25 et 55 ans.
Aux côtés d’une équipe engagée, Delphine Maurel porte à bras le corps cette compagnie qui n'a de cesse de fabriquer des formes hybrides, selon une logique de compagnonnage. Tous les trois ans, 'La Bulle Bleue' convie un.e artiste.e pour présenter une représentation officielle et bricoler, sur les temps plus officieux, plein d’autres choses de l'ordre de l'invisible : du lien, des rencontres, des émotions. Cette année, c’est Maguelone Vidal qui a été choisie pour compagnonner, aux côtés d’une autre artiste, Marie Lamachère.

Parce que Maguelone Vidal met en scène les sons plus que les mots, elle a d’emblée imaginé une pièce sonore : L’Amour des commencements. Faite de résonnances, de souffles, de langage archaïque, de scintillements, de chuchotements, de cacophonies, de bruits, de (ré)percussions. Et, guidée par une valeur forte : l’inclusion. Si quelques mots émergent de-ci de-là, puisés dans la prose fleuve de Pierre Tilman, c’est pour dire que « tout le monde » est à la fois singulier et identique.
Afin de donner du coffre à ce message résolument politique, la férue de notes a choisi 8 comédien.nes : 4 femmes, 4 hommes. Également engagé.e.s, également fascinant.e.s, également intriguant.e.s. Dans cet espace qu’habite la pénombre, nous, public, sommes assis à même le sol, entourés par ce chœur qui, tour à tour, cherche à nous questionner, à nous bousculer et à nous envelopper.
Derrière, dans la pénombre des coulisses, Maguelone donne la mesure de cette pièce musicale, avec une force discrète. Quelque chose circule, entre eux, elle et nous. Une émotion, peut-être. Une information diffuse. Une communication non-verbale qui agit en douceur, mise en mouvement par des corps qui dansent, se dénudent, se tordent, nous fixent, et que l’on fixe à notre tour.
On en ressort un peu flottant.e.s et curieux.ses d’explorer ce qui se trame chez cette créatrice hybride et performative. Le podcast RATURES réalisé le lendemain à ses côtés, au café des Loges à Montpellier, nous a éclairé davantage sur ce voyage sonore où « chacun vient boire sa part d’intimité et faire chœur ». Poursuivez l'exploration, vous aussi.