Tragédie intime ou drame politique ? Histoire ou mythologie ? Dans son adaptation de Jules César (1623) Rodolphe Dana balance entre ces divers pôles, enlevant grandeur et envergure à la pièce de Shakespeare, donnée dans la petite salle de la Comédie Française du Vieux-Colombier. Dans son souci d’actualiser la question du pouvoir personnel et de la démocratie, enjeu de la pièce, et faire place à l’actualité, il use de partis-pris rigides, contraignants et contestables. Comme celui qui renverse la convention prévalant à l’époque de Shakespeare et consistant à faire jouer tous les rôles par des hommes. Donc des actrices interprètent des personnages masculins et non des moindres : celui de César, de Cassius, de Marc Antoine... Ce qui contribue à brouiller un peu plus l’intrigue déjà passablement confuse avec une pléthore de personnages investis dans le meurtre de César, glorieux militaire soupçonné de vouloir instaurer le pouvoir absolu.
Sirènes populistes
Autres parti-pris : la pauvreté, pour ne pas dire la nullité de la mise en scène, du décor et des lumières qui jettent les acteurs comme des dès sur le plateau sombre et presque nu, placé au centre du public par le dispositif bifontral adopté au Vieux Colombier. Non sans céder aux sirène populistes par ailleurs décriées, les spectateurs sont sans cesse appelés à donner leur avis sur telle ou telle question, comme si celle-ci les concernait directement. Pour les impressionner (influencer ?) des bruitages divers et variés (grondements de tonnerre ou de foule) viennent d’on ne sait où (du ciel, du peuple, du stade ?). Mais le procédé tombe à plat comme d’ailleurs le spectacle qui malgré (ou à cause des) les cris et l’agitation générale ne parvient jamais à décoller.
Nâzim Boudjenah est manifestement à la peine dans le rôle de Brutus, velléitaire tiraillé entre l’amour du père spirituel César et la crainte du dictateur potentiel. Dans une distribution sans relief, seules tirent leur épingle du jeu Martine Chevallier, qui campe avec son autorité naturelle un César crédible, et Georgia Scalliet un Marc Antoine démagogue retors.