Spectacle doublement anthologique, « Wave » (tristounet ce mot anglais dans notre francophonie alors que 'onde de choc' eût fort bien convenu !) par son utilisation optimale des signes scèniques et sa thématique. Une virtuosité folle pour occuper et modifier le plateau; une attention particulière à chacun des protagonistes d'un drame métaphoriquement comparé à des moments historiques de la conquête spatiale.
Une scénographie mobile et évocatrice
La prodigieuse faculté du théâtre à suggérer pour créer une réalité imaginaire est ici exploitée sans réserve. Quelques étagères modulables et emboitables, une porte, plusieurs chaises suffisent à évoquer un nombre impressionnant de lieux dans lesquels l'histoire nous entraine (toilettes d'une école, salle d'attente et chambre d'hôpital, librairie, espace cosmique, couloirs, intérieur du corps du blessé, pont...). Certains même sont présents par des effets sonores et lumineux (transport du samu, urgences, salle d'opération) car lumière et sons jouent un rôle capital dans l'évocation de ce qui n'est pas montré.
Cette manière d'utiliser au mieux le plateau pour l'accorder avec les situations va parfois très profondément dans le domaine de l'analogie visuelle. Ainsi, à un moment de tension crucial pour un éducateur écrasé par la rigidité adminstrative, cette visualisation du chaos produit dans l'établissement scolaire se résume par une porte qui résiste, qu'on force, entrainant avec elle une série de chaises se télescopant en désordre anarchique sens dessus dessous.
La crédibilité est telle que les comédiens incarnent plusieurs identités sans que cela freine la compréhension des faits et des discours; de plus, il n'apparaît à aucun moment qu'on puisse considérer comme farfelu de dialoguer et d'écouter les commentaires de la rate de Raphaël, cet organe important sans être indispensable, qui donne des nouvelles de sa santé.
Les acteurs sont sans cesse en action. Ils déplacent et placent le décor, enfilent des tenues diversifiées, ajoutent ou retirent des accessoires. Et surtout, ils interprètent avec une dynamique conviction les protagonistes du drame. Une performance assurément qui renforce l'échange entre salle et scène.
Un questionnement sur les relations humaines
Le monde des adultes est omniprésent. Il met sur la sellette des parents absents, des éducateurs débordés par le manque d'effectifs et le nombre d'étudiants à surveiller davantage qu'à conseiller, des membres annexes au corps enseignant amenés à accomplir des tâches qui ne sont pas les leurs, des adultes devenus agressifs parce que soumis à des stress professionnels constants, des médecins et infirmiers fuyant l'annonce de vérités médicales à admettre faute d'avoir le temps de consoler ou adoucir, des responsables administratifs concevant des questionnaires évaluatifs théoriques sans prise en compte des ressentis du personnel.
Cette masse de gens résume assez le fonctionnement de la civiisation actuelle qui n'est pas très positive. Mais en contrepoint, symboliquement, il y a la présence décalée d'un libraire ayant conservé une part d'utopie de sa jeunesse, qui croit en la science via la littérature de fiction, qui pense que la culture aide à vivre et à créer.
La métaphore qui traverse les péripéties et les amène à s'insérer dans l'histoire du monde, élargissant de la sorte un incident individuel à la collectivité mondiale, c'est l'introduction des cosmonautes des missions Apollo. Ils ont en effet connu des difficultés technologiques à résoudre sur place, ils ont travaillé en commun malgré les dissensions politiques alarmantes entre URSS et USA.