Critique - Jeune Public - Huy
Beaucoup trop de trop – Veel te veel te veel
Au-delà des murs et des frontières
Par Michel VOITURIER
Les créations néerlandophones de spectacles vivants ont été peu programmées dans la partie francophone de la Belgique. Pour découvrir les grands créateurs flamands (Jan Fabre, Alain Platel, Guy Cassiers, Jan Lauwers, Arne Sierens, Anna Teresa de Keersmakker, Josse De Pauw, Koen Augustijnen, Sidi Larbi Cherkaoui, Wim Vandekeybus…), la Wallonie picarde a dû attendre qu’on les monte en France à la Rose des Vents de Villeneuve d’Ascq.
Ces derniers temps, la collaboration entre troupes des deux côtés de la frontière linguistique devient plus courante. L’exemple de coopération coproduction entre ‘Les Pieds dans le vent’ (Wavre) et ‘Kopergietery’ (Gand) est particulièrement significative. Non seulement le spectacle est bilingue mais il est joué en Flandre comme en Wallonie par les mêmes acteurs.
Le sujet de « Beaucoup trop de trop » semble être, selon ce titre, notre surconsommation de biens matériels avec toutes les conséquences socio-économiques, psychologiques, philosophiques et écologiques qui en découlent. De fait, Vincent, un des personnages, accumule les jeux de société, aligne d’incommensurables listes d’achats, d’actions, de désirs qu’il collectionne comme le reste. Il s’est d’ailleurs retranché derrière un mur composé de l’empilement de toutes les boites qu’il a reçues, achetées ou gagnées sans cependant les ouvrir, mur qui complète une impressionnante brochette de tartines au choco entassées dont on se demande qui les mangera puisqu'il vit seul.
Audrey, sa vis-à-vis, possède peu et se situe dans un espace non confiné. Elle cherche avant tout des contacts humains. Contrairement à son voisin, elle est loquace et peu encline à une solitude à laquelle elle ne résigne pas. L’un comme l’autre se trouvent, en fin de compte, à la recherche d’un même silence : pour lui un silence débarrassé des biens matériels et elle, débarrassé des mots inutiles, un silence à instaurer tel un arbre avec des branches dardées vers le ciel et des racines profondément ancrées sous la croute terrestre.
Ce duo-là ne rend pas compte de toute l’œuvre. Celle-ci se présente ouverte sur le monde. Car il y a par exemple un grand livre bourré de gags qui témoigne de spectacles mondialisés, une manipulatrice de rétroprojecteur agençant des épisodes de théâtre d’objets, un ours polaire abandonné sur sa banquise, une femme à tête de baudruche, un carton d’emballage téléguidé, des brumes étalées, une beauté mystérieuse à voilette de perles…
Tout cela s’appréhende comme des séquences d’un ensemble indéfini, reliés entre elles par des signes qui font liens. Pas toujours facile d'en démêler les réseaux. Reste à se laisser mener par le metteur en scène et ses acolytes afin d'en tirer un récit personnel en fonction des connaissances et des perceptions qu'il a face à l'abondance verbale des dialogues et la profusion des images.