Critique - Humour - Avignon Off
Harissa, histoires piquantes de Tunisie
Conteur, naturellement
Par Michel VOITURIER
Tunisien de Belgique ou Belge de Tunisie, Ahmed Hafiz parle avec affection du pays où sont ses racines anciennes avec le point de vue de celui qui a appris à équilibrer une vision née de deux cultures. Il nous y emmene loin des circuits touristiques organisés ou des séjours "all inclusive".
Il aime typer des personnages qui prennent alors pour nous une couleur exotique pimentée d’humour. Il égratigne (mais pas souvent avec le piquant annoncé par le sous-titre de son spectacle) des coutumes désuètes, des positions trop conservatrices, des inégalités sexistes, des dérives apparentées au politique. Mais cela reste secondaire dans son propos.
Trois histoires pour passer une bonne heure ensemble. La première, celle d’un mariage. Evidemment arrangé sans l’accord des futurs conjoints. Cela tourne moins bien rond que prévu et devient prétexte à une galerie de portraits copieusement caricaturés.
La seconde s’aventure du côté fantastique des contes symboliques pour aboutir à une fable à propos des fantasmes entretenus par la routine d’une vie devenue peu à peu morne auprès des femmes d’un pauvre patelin de pêcheurs. À travers la résurrection d’un noyé apporté par la mer, toute une communauté reprend goût à la vie.
La dernière est son morceau de bravoure. Il narre, avec force épisodes les plus burlesques, l’épopée héroï-comique de Momo et de sa belle-mère soudain frappée de paralysie. C’est l’occasion de quelques allusions à des fonctionnements sociétaux, des dysfonctionnements du système administratif, des inégalités sociales.
L’essentiel n’est pas là. Haziz n’a pas le fond agressif. Il préfère la poésie du pittoresque aux gravures revendicatrices à l’eau-forte. Il brasse des rebondissements enchaînés dans une succession de conséquences qui s’emballent, déferlent à partir de rumeurs amplifiées par des effets de masse qui n’ont pas besoin des réseaux sociaux pour prendre des proportions rabelaisiennes.