Critique - Théâtre - Avignon Off
Curé le jour, athée la nuit…
Les lumières en cœur de nuit
Par Michel VOITURIER
Fustigé de son vivant pour ses idées anticonformistes et considérées comme impies par sa hiérarchie ecclésiastique, l’abbé Meslier persiste et signe des notes (plus de mille pages !) qui ne seront pas éditées mais seulement recopiées pour quelques-uns. C’est seulement en 1762 que Voltaire le fit un peu connaître en publiant un extrait de ses « Pensées et sentiments ».
Ses écrits contiennent une analyse contradictoire de la religion démontrant à quel point elle sert un pouvoir monarchique et nobiliaire qui se sert d’elle pour justifier les abus de pouvoir du régime, les injustices sociales qui en découlent. Afin de parvenir à la liberté, le prêtre argumente de façon à prouver rationnellement l’inexistence de Dieu.
Si la foi ne peut être raisonnée, les dérives qu’elle entraîne lorsqu’elle devient instrument d’autorité d’un régime idéologique sont inacceptables. Toute doctrine ayant à la base des idées généreuses, sociales résiste difficilement à se transformer en autocratie intransigeante. On le voit encore aujourd’hui lorsqu’on entend les griefs portés contre les régimes communistes, les confondant avec le marxisme qui reste une théorie porteuse de révolution humaniste.
Incarner le curé de ce document historique revient à Alexandre von Sivers. Il interprète ce rôle avec l’aisance scénique qu’on lui connaît. Il lui est difficile de donner plus car ce genre de seul-en-scène basé sur des écrits d’autrefois procède moins du théâtre que du témoignage originel, davantage dévolu au désir de convaincre grâce à un raisonnement rigoureux qu’à transmettre des émotions à travers une présence vivante.
Subsiste bien sûr le document lui-même. Il nous éclaire à propos du surgissement des ‘lumières’ qui seront le surnom du siècle XVIIIe. Il nous rappelle que les grands tournants de la pensée ne surgissent pas spontanément mais cheminent dans les réflexions de citoyens par l’intermédiaire de penseurs individuels qu’interpellent les dysfonctionnements de leur environnement sociétal.