Un élément essentiel à la fondation du Mali fut, au XIIIe siècle, la bataille de Kirina. Elle est devenue épopée contée par les griots. C’est le point de départ du spectacle conçu par Serge Aimé Coulibaly et sa complice musicienne Rokia Traoré.
Lorsque le monde change, que les nomades se sédentarisent comme autrefois, que les autochtones sont contraints à l’émigration comme aujourd’hui, rien n’est plus tel qu’auparavant. Les êtres autant que les façons d’être se modifient. Tout se met en mouvement.
C’est bien de cela dont il est question dans cette chorégraphie de Serge Aimé Coulibaly. Précédant le véritable début de l’histoire, au lointain du plateau, défilent des figurants, par petits groupes, des solitaires, des couples, des clans. Les uns semblent se hâter, les autres trainent la patte. Ils marchent, indéfiniment, ils marchent. Vers où ? Vers quoi ? Parfois même, ils passeront à l’avant-plan.
Au milieu, se concentrent musiciens et danseurs. Eux incarneront la parole, les actions accomplies pour créer une unité, une solidarité, une symbolique commune à inscrire dans l’Histoire. Par intermittence, la voix de l’un d’eux, à l’instar d’une voix off, commentera ce qui se déroule. D’autres voix entonneront des chants, des psalmodies. Les instrumentistes dynamiseront les rythmes, s’associeront à des mélodies harmonieuses, par moments proches de musiques de variétés ou à des sonorités vigoureusement âpres, plus évocatrices du patrimoine ethnique africain ou de compositions véritablement contemporaines.
Tous donneront à leurs corps une emprise permanente sur l’espace. Tous gesticuleront jusqu’à la virtuosité ou vers la sensualité ou vers la violence dans une générosité d’élan. La danse s’apparente quelquefois à l’acrobatie. Les individualités s’affirment. Les connivences se réunissent. Les affrontements se heurtent.
Si le contenu des trois tableaux composant le spectacle est parfois confus, à défaut d’en comprendre les détails, l’important est que l’ensemble ne faiblit jamais. La répétitivité du défilé des ambulants est ponctuation permanente. Les solos, les duos, les chorégraphies collectives baignent dans une atmosphère où la lumière évoque la chaleur du territoire.
L’ambiance est aux tonalités ocre qui régissent les costumes. Le tissu est la substance même du spectacle. En tant que décor puisque des textiles sont empilés en colonnes monumentales en guise de décor initial. En tant qu’accessoires et parures ensuite lorsqu’ils sont saisis par les protagonistes pour s’en vêtir, pour s’en servir en tant que drapeaux ou signaux, pour en faire des envols d’oiseaux ou de feux d’artifice voire des instruments de lapidation.
Demeurent finalement une énergie partagée avec l’assemblée, la démonstration que le mouvement permet d’aller au-delà du présent, la certitude que la collectivité unie dans l’action mène vers des améliorations, la volonté d’union nourrissant toute force populaire contre les erreurs des conflits.