Clown sans grimage ni uniforme traditionnel d’auguste, Manceau pratique des actes très ordinaires. Sur une table basse à tiroir, il dispose ses petites affaires. Il se prépare du thé. Il est muet. Les gestes et les objets parlent pour lui.
Lorsque cela ne se passe pas sans incident, autrement dit presque toujours, il s’étonne, se questionne mentalement, refait autant de fois qu’il le peut ce qui a dévié. Cela rate ou réussit. Plus ou moins. Insister afin d’aller au bout de ce qui doit être semble une seconde nature pour cet adroitement malhabile.
Les gags se construisent peu à peu. Jusqu’à l’absurde. Jusqu’à quasi nier les lois élémentaires de la gravitation universelle. Parfois même jusqu’à les subir tout en s’échinant à les pervertir. C’est cela : c’est un être à la solitude perverse.
Au point que, dès qu’il a construit, agencé, pratiqué ses actes de la banalité, il détruise sa claustration, il rompe son isolement en faisant – sans paroles – appel au public pour l’aider. Mais pas question de solidarité. Seulement des petits coups de pouce qui seront frustrés de toute gratification. Sans le moindre soupçon de remords.
Au contraire car en dépit de son calme apparent, le voici qui se dote de ces doigts effilés caractéristiques du Freddy Krueger du cinéaste d’épouvante Wes Craven. La violence surgit un moment avant de s’effacer. Les rires s’en trouvent interloqués. Le personnage redevient le mime Manceau. Qui repart comme venu, ambigu, discrètement après avoir tout rangé. Minutieusement. Comme si de rien n’était.
Comme s’il n’avait pas été présent durant presque une heure, assis en solitaire à se servir des objets ordinaires de la façon dont les gosses se servent quand ils se racontent des histoires, seuls, dans leur chambre, un grenier, une cave, un terrain vague… défoulant leur imaginaire loin d’adultes trop omniprésents ou trop souvent absents.