Le fonctionnement des institutions privées nous a accoutumés aux licenciements plus ou moins secs balayant les travailleurs comme des poussières à jeter avec les ordures. La loi du marché, ayant été rendue impitoyable par ceux-là mêmes qui régulent les marchés, la situation décrite par De Vos en démontre des conséquences absurdes.
Sa pièce se déroule de manière fluide en passant d’un lieu à une autre (tribunal, foyer, banque, bar…) développant les points de vue divers des personnes que Xavier, le ‘héros’ rencontre ou avec qui il vit. Cette continuité d’action autour d’un même individu a engendré une scénographie presque vivante puisque constituée de deux plateaux tournants indépendants sur lesquels sont posés des éléments de décor qui apparaissent, disparaissent, se croisent. Ce dispositif spectaculaire en devient en quelque sorte protagoniste de l’histoire, finissant, symboliquement, par entraîner l’employé dans le vertige tourbillonnant de certains manèges forains.
Pour conserver un rythme continu à ce fait divers, il était indispensable de disposer de comédiens exceptionnels. D’autant que, à part Xavier, tous incarnent plusieurs rôles consistants ou épisodiques. Rarement distribution a été aussi homogène. Chacun campe ses compositions avec la voix, la gestuelle, les attitudes corporelles qui leur donnent, parfois même fugitivement, une vraie présence.
Pourtant, une fois la représentation terminée, une question subsiste. Pourquoi à certains moments cette œuvre paraît-elle si longue ? Peut-être parce qu’elle fait part trop belle à la psychologie contrairement aux pièces politiques de Brecht. Peut-être parce que l’absurde de la situation est-il trop axé sur un individu à l’identité détaillée contrairement au monde déréglé d’un Kafka, d’un Beckett, ou de « L’étranger » de Camus, qui, restant dans le flou de personnages plus emblématiques que définis, suscitent une inquiétude pimentée d’étrange et donc finalement métaphysique. Sans doute cela ressemble un peu trop à des faits divers familiers émoussant notre potentialité d’empathie.