Le Théâtre Action possède toujours une dimension militante. Souvent positionné ‘à gauche’, il utilise les procédés scéniques pour habiller un discours politique critique porté sur des dysfonctionnements sociaux et sociétaux. Le risque en est la difficulté à ne pas se cantonner dans la revendication, à ne pas s’enliser dans le documentaire statistique, à ne pas privilégier essentiellement la dimension artistique. Équilibre difficile !
L’objectif attesté est d’informer, de donner la parole à ceux qui ont rarement l’occasion de la prendre, de souligner des perceptions stéréotypées de la misère, de suggérer des réflexions qui amèneraient à des actions positives en vue du changement.
La part document vient de statistiques, extraits de presse, interviews de rejetés de la cité et d’hommes politiques ou autres. S’y adjoint une portion plus humoristique de parodies ou de pastiches. Tirades et dialogues s’enchaînent. Ils nous apprennent des chiffres pas souvent cités comme l’écart abyssal qui existe entre le pourcentage de la fraude sociale et celui de la fraude fiscale. Ils nous emmènent du côté de dispositions administratives tatillonnes qui empêchent une réinsertion dans le circuit citoyen.
Le vécu émotionnel des sans abri y apparaît. La spirale de l’accroissement individuel de la misère se révèle mécanisme implacable. Le fonctionnement économique plutôt anarchique de la mondialisation face à l’humain nous est livré sous l’angle de ses dérives. Tout concourt à prouver que la part consacrée à trouver une sorte de concordance entre besoins et moyens, entre collectivité et individu.
Le contenu militant irritera sans doute ceux qui ont une vision plus libérale de l’organisation sociétale démocratique. Cela restera à nuancer lors de débats ou de mises au point. Ce qui demeure évidence reste que la grande majorité des progrès sociaux sont issus de luttes des intérêts collectifs contre les possessions de biens et de pouvoirs d’une minorité.
Les formes données à ce spectacle s’appuient évidemment sur une série de codes propres au théâtre. Pour convaincre sans ennuyer, l’équipe a cherché à en varier les formes. Elle y est parvenue. Bien que déforcée par la dramatisation extrême de la séquence finale qui se distancie de façon plutôt outrée en ayant recours à des effets dramatiques démesurés, remplaçant les possibilités de réfléchir par un recours systématique à une émotion manipulatrice. Et qui gomme, derrière cette métaphore spectaculaire, la clarification attendue à propos de la "sherwoodisation".
De cette démarche généreuse, il ressort qu’il est temps, pour aboutir à des changements radicaux de mentalités, de se demander si les concepts plutôt vagues et abstraits du siècle des lumières ayant abouti à la révolution française de 1789, à savoir les ressassés ‘liberté-égalité-fraternité’, ne devraient pas être aujourd’hui supplantés par les notions plus concrètes d ‘autonomie-équité-solidarité’.