Il est toujours intéressant d'assister à un personnage en évolution et ici c'est une petite révolution interne qui va saisir Bérénice, la quarantaine, deux enfants (Rufus et Paëlla), le type de la "femme au foyer". On ne peut s'empêcher de penser à la fameuse série TV américaine: "Desperate housewives"; le décor l'y encourage : maisonnette et jardinet proprets, pommier prometteur de belles pommes rouges... (scénographie de Thibaut De Coster & Charly Kleinermann)
La vie de "Béré" pour les quelques familiers du couple, "Minou" pour l'époux (Brice Du Laurier, chercheur passionné, conférencier spécialiste des Eburons et d'Ambiorix, professeur d'université) aurait dû se dérouler sans accrocs, sans surprises, mais sans grandes joies non plus. Or voilà que le tendre mari se prend de passion pour une jeunette, un "canon" de 22 ans, étudiante baby-sitter, et qu'il va quitter le foyer conjugal.
Une histoire assez banale en somme mais qui sera le déclencheur d'une prise de conscience de Bérénice et aura des conséquences aussi inattendues qu'inhabituelles. Après une période de "stupeur et tremblements", avec larmes abondantes, elle se plonge dans des théories psychologiques dont celles d'une certain Paul Watzlawick...
C'est la révélation ! Elle va adapter la notion de "résilience" et c'est un sentiment tout neuf que la femme trompée connaît : le désir de vengeance... détruire l'autre au risque de détruire ses valeurs, de se détruire elle-même.
L'esprit de Bérénice retrouvera une activité débordante et obsessionnelle pour imaginer les machinations et stratagèmes les plus subtilement cruels afin de pourrir la vie de Brice et accessoirement de sa Mélanie (que Bérénice appelle Melanome).
Qui a prétendu que la vengeance était un plat qui se mange froid ? Ici ce sera plutôt un volcan assoupi qui, réveillé, crachera de temps à autre une lave brûlante. La femme pâlotte a vu rouge, de victime elle deviendra héroïne faisant justice pour les mammouths et les femmes abandonnées.
Béré la soumise et Minou la perverse
Elle est proche du public, et semble vouloir le rendre complice, en toute confidence... En effet, on apprendra qu'il s'agit d'une histoire personnelle qui lui a inspiré ce monologue. Ecrit et interprété par l'auteure, mis en scène par Emmanuel Dekoninck, le ton général est à l'humour noir, au second degré féroce, au politiquement incorrect.
Geneviève Damas est auteure (romans et pièces de théâtre), metteure en scène, comédienne et a choisi de faire parler un personnage qui lui ressemble un peu, beaucoup ou pas du tout... Elle imagine une femme que rien n'arrêtera plus, une femme "sans reproches" qui ira jusqu'à faire payer le prix fort à l'infidèle, donnant un coup... de pouce au Destin en couronnement de son entreprise toute en souplesse et ironie :"Ça touche de voir quelqu’un en chaise roulante parler du destin tragique des Éburons"...