Le spectacle s'inspire d'un roman graphique "Here"("Ici") de l’Américain Richard McGuire*. Déjà le plateau entièrement vide se présente au public avec ses deux panneaux formant un angle comme un grand livre ouvert, en accueil pour les très nombreuses séquences-flashes qui vont se succéder à un rythme fou - ajustez bien vos hallucinettes* car tout va bouger: meubles, accessoires, costumes, danses, musiques... marquant les très nombreuses références temporelles ! - Il y aura aussi des accélérés et des ralentis, vous serez secoués ou entraînés dans une rêverie futuriste.
Un des panneaux est une sorte de grande baie avec des rideaux qui s'ouvrent de temps à autre sur... un jardin avec un arbre, l'autre est flanqué de la même cheminée, immuable. Deux portes ont l'air de se répondre, et dans le haut apparaitront des mentions lumineuses, "dates du jour" d'un calendrier très étendu. Ces dates -1958, 1482, 2008, 1561, 2212, 1909...- s'affichent à une vitesse fulgurante tout comme les scènes, d'une durée variable, qui défilent sans ordre chronologique, comme les époques chahutées dans un énorme puzzle.
Ce lieu unique est la pièce principale d'une maison familiale qui a abrité plusieurs générations... Ce fut aussi il y a bien longtemps, le lieu d'une nature presque encore inhabitée et ce sera, qui sait, celui d'une nature chamboulée, dévastée, dans un avenir plus (ou moins) lointain...
Une fratrie composée de trois garçons et deux filles l'a habitée, y a vécu de grands et menus événements, et se retrouve à la faveur d'anniversaires, de fêtes, ou de deuils comme ce dernier "acte", la mort du dernier parent et le vide-maison qui s'ensuit. (Ne peut-on peut penser que ce fut là le déclencheur de "ce qui arrive": faire revivre cette maison par tous ses pores ?)
Dans ce lieu à la fois fixe et changeant, il est des situations quasi éternelles comme la venue d'un enfant dans la famille, avec toutefois de petits détails qui situent les époques et l'évolution de la notion de "parenté", de même que les rapports humains-objets (comme le téléphone par exemple) montrant des différences d'approche...
Une expérience unique...
La mise en scène de Coline Struyf est très précise, soignée jusque dans les menus détails, et ne ménage pas les excellents comédien/ne/s: Selma Alaoui, Nicolas Buysse, Thomas Dubot, Pierre Gervais, Emilie Maquest, soumis à un rythme démentiel de changements d'âges, d'attitudes, de costumes (dûs à Claire Farah), d'accessoires, de danses ou de chansons. Les régisseur/seuse/s plateau sont, une fois n'est pas coutume, des partenaires visibles, eux aussi sans cesse en mouvement pour les nombreux déplacements de gros meubles et d'objets (jusqu'aux plus petits) recomposant sans cesse les lieux.
Coline Struyf s'est aussi beaucoup appuyée sur toute une équipe de créateurs techniques: Arié van Egmond pour la scénographie et la vidéo, Laurent Gueuning pour le son, Amélie Géhin,la lumière...
Nul doute que le spectateur sera amené à prolonger le spectacle par des réflexions personnelles à propos de ces chers fantômes de choses, ces chères choses que les murs de son "chez soi" ont connu... de toutes ces vies qui s'y sont succédées, n'en gardent-ils pas quelque chose ? Pourquoi cette nostalgie du nid où il a vécu ? Pourquoi se sent-il bien, ou mal, dans certaines habitations, sans pouvoir se l'expliquer rationnellement ? La liste des "pourquoi" peut se révéler aussi longue que les dates égrénées tout au long de "ce qui arrive"!