Au départ, il y a le mot « ravachol ». Dans certains des dialectes de Wallonie, il signifie plus ou moins «marginal» en sa connotation péjorative. Ensuite, il y a l’histoire réelle d’un garçon du peuple qui, pour fuir la misère, vire peu à peu de la délinquance à l’anarchisme militant jusqu’à provoquer des attentats sanglants, finit sous la guillotine. Elle a inspiré Axel Cornil et la troupe de jeunes comédiens qui l’entourent.
L’optique choisie est de jouer avec un minimum de matériel sur un plateau nu, les coulisses étant visibles et l’ensemble des comédiens étant présents en permanence. Les différents rôles – une quinzaine – sont endossés successivement par trois acteurs, Ravachol étant dévolu au dernier membre de ce quatuor de débutants déjà bien formés.
C’est dire que la potentialité du théâtre à créer de l’illusion sans s’échiner à un réalisme direct est promue au maximum. Les lieux surgissent au gré des tables et de quelques accessoires déplacés dans l’espace. Des vêtements typiques sont endossés à chaque mutation de personnages, agrémentés de l’un ou l’autre ustensile révélateur. À charge de chacun des interprètes de modifier sa démarche, ses mimiques, sa gestuelle, sa voix pour entériner son transfert d’identité et pour combiner les aspects comiques autant que dramatiques.
Ce travail d’interprétation met en valeur un jeu d’acteur capable de compositions multiples, preuve d’une formation suffisamment complète pour leur donner de l’aisance en toutes circonstances. Ce qui donne des représentations dynamiques, généreuses, un rien potaches par moments. Il y manque seulement, mais seule l’expérience l’apportera, davantage de maturité physique et intellectuelle pour que chaque protagoniste soit totalement habité.
À travers les épisodes enfilés avec entrain, s’esquisse la misère d’un prolétariat surexploité. Aves ses corolaires : précarité matérielle, détresse morale, refuge dans la boisson, déchéance vers la prostitution et la délinquance, sensibilité à des démarches idéologiques empreintes de populisme, répression sociétale aussi violente que les réactions extrémistes aveugles.
Un tableau que Zola et les écrivains prolétariens ont dressé depuis longtemps. Mais qui résonne aujourd’hui de manière proche de l’actualité tandis qu’une certaine indigence s’accroit, que les revendications sociales se radicalisent, que des intégrismes politiques ou religieux rongent les démocraties.