Critique - Théâtre - Valenciennes
Barbaresques (Ne sors plus de chez toi)
Fresque chorégraphiée et rappée
Par Michel VOITURIER
Le déséquilibre qui règne entre pays riches et nations pauvres ne cesse d’engendrer tensions, espoirs utopiques, échecs douloureux, méfiances locales, impuissance démocratique. « Barbaresques » évoque cela non en racontant une histoire selon une narration classique. C’est une pièce à recevoir comme la contemplation d’une toile abstraite, en n’y cherchant pas des repères logiques de chronologie, des enchaînements d’actions menant vers une analyse rationnelle.
L’essentiel est dans la sonorité d’une langue qui est davantage rythmée qu’informative, dans la musique qui la soutient et l’accentue, dans les images qui défilent sous l’aspect de coloris et de formes, dans une gestuelle qui rend au corps une présence spatiale et une énergie issue de l’intérieur. Sans avoir nécessairement besoin de savoir (même si cela facilite l’entrée dans la représentation) qu’Arm est ici un expatrié comme le sont Taya une mondialiste du Nord, Aziz un mondialiste du Sud à l’instar de Sofiane traditionnaliste nanti ou d’Andreia traditionnaliste démunie.
Le décor sert d’écran au défilé des évocations plastiques. Il a l’apparence d’un échafaudage sur lequel il est souhaitable de grimper pour regarder au-delà du territoire étriqué de l’environnement immédiat. Il est aussi suffisamment neutre afin d’être évocateur de lieux autres, refuges ou habitats, concentrations urbaines ou terrains vagues.
La musique inclassable d’Arm et Gaël Desbois se décline du planant répétitif à des moments de plus d’aspérités. Elle dynamise les chorégraphies que la troupe investit avec un engagement physique sans réserve. Cela tient du hip-hop mais aussi d’emprunts à des innovations corporelles auxquelles la danse contemporaine a habitué les publics. Cela va au-delà de la performance, d’autant que les danseurs ont aussi à s’emparer des paroles écrites par Jousserand.
Celles-ci sont scandées, forcément et affectionnent les énumérations. Elles sont ponctuées d’ellipses. Elles se parent de quelques métaphores. Elles ne s’embarrassent guère de fioritures. Leur intégration à la partition musicale fait qu’on n’en retient que des bribes. Mais peu importe puisque « Les chansons qu’on oublie n’ont jamais existé » et que « Les souvenirs sont des morceaux de plastique flottants.» Ce qui reste trotte alors dans les têtes : « Je n’avais pas craint de partir comment aurais-je pu avoir peur d’arriver ? » car « Ceux qui s'en vont coupent les amarres», même et peut-être surtout dans la mesure où « rien n’est fiable, surtout les papiers ».
Dès lors, appartenir à une époque qui engendre des épopées dramatiques, «entre mythe et mythomane» fait que « L’histoire n’engage que ceux qui y croient » et indubitablement toute la troupe a foi dans ce qu’elle a entrepris avec ce projet de(a)nse.