Entre académique et numérique, un décor impressionnant, à la fois traditionnel - l'entrée d'une école, sa cour, ses murs - et support moderne de projections vidéo. L'histoire est faite de rencontres et de dialogues, de silences et d'un sous-texte omniprésent. Un élément comme un manège, un tourniquet, jouera aussi un rôle important.
La confrontation entre la mère d'une élève/Saeid Changizian et la proviseure ou surveillante/Mona Ahmadi de cette école de filles se passe d'abord derrière la porte d'entrée translucide de l'établissement scolaire. Il est question de frais (d'inscription entre autres), justifiés par les avantages supplémentaires proposés par l'école privée tolérée par le régime : cours de langues et de disciplines artistiques non autorisés officiellement, comme aussi la présence d'un prof masculin dans une école de filles.
Ensuite il y aura une autre rencontre, celle de cette mère (venue quotidiennement attendre la sortie de sa fillette) et du prof de peinture/Leyli Rashidi, elle assise dans le tourniquet, lui la brosse à peinture à la main. Il n'a plus été autorisé à enseigner et est chargé de repeindre les murs de l'école afin de cacher des slogans pré-révolutionnaires...
Un travail bien éloigné des idées progressistes et libertaires de cet artiste qui aurait voulu sans doute vivre entièrement de son art et qui finira par fuir le milieu scolaire, la ville. Il fuira aussi ses responsabilités de futur père et le foyer qu'il aurait pu former avec disons, "la responsable scolaire". Un quatrième personnage sera évoqué entre eux : la fillette et l'emprise que le prof exercerait sur elle.
On apprend plus tard que, de toute façon, l'école sera détruite, que sa nouvelle implantation est prévue dans un quartier résidentiel et que sous la couche de peinture, on aperçoit encore les anciennes inscriptions, dessins et slogans rappelant la Révolution (20 ans auparavant)...
Il y aura d'autres scènes à deux ou à trois personnages, rythmées par la projection de dates qui marquent la succession des mois de la Rentrée à la fin des cours.
Quant au tourniquet-tourbillon de la vie, son mouvement giratoire bloqué au départ (pour cause d'accident) sera libéré par le peintre lors de la rencontre finale à trois, laissant présager de nouvelles attitudes, attentes et espoirs pour les trois personnages, ou plutôt quatre, la présence de la fillette se faisant par projection filmée...
Intimiste, minimaliste... équilibriste.
Le dramaturge fut d'abord écrivain, et cela se sent. L'abondance de mots, leur répétition fréquente, ne visent pas seulement à manier subtilement les faux semblants afin de tromper la censure iranienne, elles ont constitué, au fil des créations ("Summerless" est la septième), un style personnel.
Ses options de mise en scène et de direction d'acteurs avec sa compagnie "Mehr Theatre Group", va dans ce sens qui fait des acteurs/trices des personnages métaphoriques, statiques, et non des êtres de chair et de sang. D'où ce ressenti de froideur, de lourdeur, par le spectateur non informé du contexte des créations d'Amir Reza Koohestani, chez lui, où il entend dénoncer le malaise social et les interdits qui sévissent dans son pays.
La plupart de ses créations et de ses mises en scènes ont tourné en Europe, notamment en Allemagne où elles ont souvent été créées (résidence au Münchner Kammerspiele) mais aussi à Téhéran et cela n'est possible que parce qu'ayant reçu l'aval du "Conseil de Surveillance et d'Evaluation" soit, comme il le décrit par "quelques individus qui entrent dans le théâtre par une porte dérobée"... et à qui échappe le message caché.