Aviez-vous déjà eu vent du « syndrome de Jeanne d’Arc » ? Jusque-là, nous, nous avions l’habitude de parler de « délire mystique » ou de « schizophrénie » pour désigner cette torsion psychique qui conduit à entendre des voix malgré soi. Mais soit. Restons ouverts à une autre terminologie.
Sur la scène dynamisante du théâtre de Dix Heures, Yann Jamet décrypte ce syndrome sous un prisme expérientiel. Loin de toutes considérations psychiatriques et avec la décontraction de celui qui se sait talentueux, le comédien nous raconte son histoire à travers moult anecdotes de vie. S’il évoque la genèse infantile de son symptôme, il se concentre surtout sur cette folle journée durant laquelle il est frappé d’hallucinations qui prennent une envergure inédite dans un café en bas de chez lui, à Paris.
Les personnages qui peuplent ce bar pourtant des plus anodins prennent peu à peu la voix de grandes personnalités françaises - artistiques et télévisuelles. Principalement des hommes, parmi lesquels Michel Cymes, Daniel Prévost, Julien Lepers, Stéphane Guillon, François Cluzet, Jean-Pierre Bacri, Emmanuel Macron ainsi que quelques femmes, dont la mémorable Chantal Ladesou, la jeune Vanessa Paradis, l’éthérée Jane Birking et l’éternelle Véronique Sanson.
Pour interpréter ces voix goguenardes, bavardes et à l’humour souvent tendancieux, toujours le même homme : Yann Jamet. Un imitateur hors pair, capable de moduler à l’infini les flexions d’une voix souvent très juste. S’il utilise parfois quelques accessoires pour personnaliser davantage ses personnages (lunettes, perruques, clopes), l’imitation est tellement bien sentie qu’il parvient à emprunter le visage de ses voix. Notamment celui de Prévost, interprété à merveille, avec une reproduction à l’identique de ses mimiques et de ce rire tonitruant.
Mais le tour de force de cette pièce va bien au-delà de cet exercice déjà ardu de l’imitation voco-faciale. Il réside avant tout dans le fait d’arriver à construire, seul, une histoire à travers une galerie de plus de quarante personnes. Une histoire avec une trame narrative élaborée qui amène le personnage à se questionner sur lui-même et sur ses failles obsessionnelles. Co-signée par Yann Jamet, Julien Wagner, James No et David Gential, l’écriture est à la fois légère, facile, fluide et exigeante par ce sens aigu du rythme et de la blague.
La salle rit à gorge déployée, alors même que tous les âges se côtoient : les jeunes se délectent de la grivoiserie assumée de la pièce, les moins jeunes se régalent de retrouver sur scène le souvenir animé de leurs icones de jeunesse.
Bref, « Le syndrome de Jeanne d’Arc » fait l’unanimité par sa sympathique provocation.