Critique - Théâtre - Avignon Off
Les Passages d'un fou ou quelques aventures de Nasredine le hodja
Examen de pas sages
Par Frédéric MARTY
La première des qualités de Kamel Zouaoui est celle du conteur. D'un conteur qui préfère conter léger, il raconte des histoires de tous les jours, un tous les jours du XIIIème siècle qui n'a rien perdu de sa saveur quotidienne. Des histoires qui se disent et se concluent avec le sourire. Pendant une heure ou un peu plus on est suspendu à ses lèvres sans qu'il soit pour autant question de sauver le monde ou d'être le complice émotionnel d'un drame.
Il déroule un récit fluide confectionné de plusieurs aventures, à peu près une vingtaine, et chaque chute crée naturellement un relais dans l'attention. Le plus souvent est avec lui un musicien (Nassim Kouti), joueur de oud, qui l'accompagne et pourvoit aux respirations musicales. Il intègre aussi le public à ses récits et le fait participer, le plus souvent aux bruitages. Ce que tout le monde fait sans façons car l'art du conte est aussi celui d'abolir la distance.
De temps à autres, il glisse avec beaucoup de naturel un commentaire décalé, malicieux qui rompt un peu avec la sagesse de Nasredine pour distiller une ironie surprenante et mordante. Puis il reprend le cours de l'histoire, passant d'un personnage à l'autre au moyen d'une étoffe placée différemment selon le personnage, rejetée en arrière pour Latifa, la voisine jalouse, sur la tête pour Khadija, l'épouse de Nasredine et ainsi de suite.
Tout est d'une grande simplicité mais d'une grande efficacité : la recette éprouvée du conte, un personnage attachant et solide - déjà presque 800 ans, Nasredine - et le talent d'un homme Kamel Zouaoui, qui en faisant cela, rend hommage à ses ancêtres tout en s'inscrivant parfaitement dans son temps et dans sa vocation. Un "pas sage" obligé en quelque sorte...