Un dernier acte éblouissant et drôle, après deux autres languissants et se parodiant eux-mêmes. Car le boulevard est un art difficile. Sa mécanique est en général plutôt bien agencée de manière à provoquer les quiproquos inévitables, les rencontres improbables, les catastrophes inavouables, les gags répétitifs immanquables. Mais pour qu’elle fonctionne, il y faut un minimum de légèreté.
Ce n’est guère le cas ici. Chaque interprète fait ce qu’il peut. La gageure est difficile puisque le délire imparable de la fin ne prend sens que grâce à tous les éléments parsemés au cours des deux premiers actes. Comme il est indispensable de miser simultanément sur le rythme cavalcadant du vaudeville et sur la parodie des éléments qui le constituent, la difficulté n’en est que plus grande.
En effet, on retrouve les incontournables portes permettant aux uns et aux autres d’entrer et sortir à contretemps, les quiproquos quant aux identités des protagonistes, les petites intrigues amoureuses, les gags répétitifs immanquables, même les caleçonnades ridiculisantes… Ces ingrédients stéréotypés sont censés être lamentables dans la mesure où il s’agit d’une troupe peu douée interprétant une pièce médiocre. Rendre avec subtilité ce décalage de pastiche est évidemment périlleux. Le résultat n’est guère probant.
La scène au verso
Reste malgré tout le fait que le public est convié à pénétrer en coulisses. Placé devant l’envers du décor, il prend conscience que ce qui se passe derrière ce qu’il regarde habituellement depuis la salle est le résultat d’un travail de répétitions, de manipulations diverses effectuées hors de sa vue, d’attentes de comédiens avant leur entrée en scène, d’incidents aléatoires susceptibles de déstabiliser une représentation, de relations plus ou moins sereines entre comédiens.
La mise en abyme elle-même ne s’avère en rien réflexion sur le théâtre. Elle ne porte nullement sur les échanges incessants de l’art dramatique avec le réel et le virtuel, comme dans le travail d’un Yves Hunstad par exemple. Elle prend davantage l’allure d’un reportage documentaire sur la cuisine théâtrale intérieure.
Hormis cette découverte, la lente construction d’un univers - celui de la vie ordinaire d’acteurs jouant ensemble sans nécessairement s’aimer ni même s’estimer - s’étire. Même s’il y a des moments plaisants. Cela n’efface pas le souvenir de la mise en scène d’Adrian Brine en 1983 au Théâtre National où, lors d’une représentation, un spectateur était réellement mort, sans qu’on sache si c’était de rire ou d’autre chose. Enfin ! en cette période des fêtes de décembre, cette comédie parviendra sans doute à dérider une partie d’un public qui ne demande qu’à s’amuser.