Dans un décor réaliste, copie de celui du cloître des Célestins, autre lieu du festival, une harpe suave joue « Sur le pont d’Avignon ». Bien vite cependant, tandis qu’un hétéroclite ensemble d’objets sont précipités avec fracas sur la scène, la mélodie grince. Et surgissent des nains braillards et paillards.
Ils se mettent à démolir à coups de marteaux, de scies et autres outils tout ce qui leur tombe sous les mains. C’est le grand défouloir, l’exutoire majuscule d’une énergie qui ne trouve son emploi que dans la destruction. Tout le monde court de çà et de là.
Chacun y va de son petit rituel corporel et verbal en occupant l’espace comme dans une fourmilière. Ça pépie, ça mugit, ça glapit, ça ricane, ça glousse, ça méprise, ça provoque, ça houspille. Ça chevauche même une monstrueuse larve-vulve.
Affublés de masques de gargouilles particulièrement réussis – qui empêchent parfois de bien voir qui parle au sein de cette cacophonie – nos hyper-nains tournent en rond. Comme l’histoire qui se voudrait être une vision parodique de l’apprentissage du théâtre par des amateurs. Qui se présente comme une caricature de l’art dramatique en général et de celui de la cité des papes en particulier via diverses allusions plus ou moins décodables, dont l’évocation du fantôme de Jean Vilar, des chorégraphies décaties, une cantatrice qui pousse des mélopées avec des tonalités à la Yma Sumac.

On ne fait pas du neuf avec du vieux
L’impression globale est plutôt celle de regarder de vieux clowns s’efforcer de refaire d’anciens numéros qui ne font plus rire qu’eux-mêmes. Tout baigne dans le kitsch et le catch, dans le toc et le moche, dans les tics et le trash. Burlesque et grotesque riment entre eux mais aussi, pauvrement, avec indigeste. Par bonheur, même si c'est dans un style similaire, c’est beaucoup moins long que « J’aurai au moins laissé un beau cadavre » de Vincent Macaigne.
On dira que Perez et Boussiron ironisent à propos de la mort d’un théâtre à l’ancienne, mettent à mal l’enlisement dans lequel s’abîment beaucoup de créations actuelles. Peut-être. Mais leur apparente irrévérence ne parvient nullement à dépasser ce constat. Ils n’offrent eux-mêmes rien de bien neuf. D’ailleurs, à la fin, tout le monde meurt flingué, y compris la lumière.