Festival OFF - Théâtre - Avignon Off
Tata ou De l'éducation
Entre corset et camisole
Par Frédéric MARTY
Le début, loufoque et quasiment surréaliste, instille une ambiance de farce. Farce à laquelle on ne rit toutefois pas franchement car déjà, malgré le rire, s'installe une atmosphère pesante et oppressante, entre corset et camisole, qui tient le spectateur en haleine et sur le qui vive.
Il est saisi par la dangereuse dégénérescence des adultes de cette maison et les fâcheuses conséquences qui se dessinent sur le petit Charles, objet de toutes leurs attentions, de leurs instincts refoulés, de leurs névroses.
La maison vit en fait sous trois empires. L'un céleste, d'un Christ en croix dont même la nudité est dissimulée par un tricot et dont la fonction est de servir de socle à l'autre emprise, terrible celle là, qu'a la Tata (Albine) sur sa sœur Josèphe et son neveu Charles.
Le troisième enfin, plus insidieux, est le pouvoir que le petit a sur ces femmes. Car si cette pièce fait un sort à la religion, elle dit aussi l'ambiguïté des relations qu'ont parfois les femmes avec leur progéniture mâle, la possessivité de leur amour et l'infantilisation, la déresponsabilisation qui en découle.
Une troupe et un spectacle rodés
Tout cela passe dans une mise en scène d'une grande qualité qui va au bout des situations et par des acteurs habités jusque dans leurs moindres gestes. Lina Cespedes, la tata, est parfaite dans ce rôle à la Folcoche, lèvres pincées et pince-sans-rire. Elle tyrannise, manipule à l'occasion et régente tout son monde. Anita Gillier, Josèphe - la mère - compose efficacement son personnage effacé, résigné, vaincu par sa soeur aînée et la culpabilité.
Camille Pilato, compositrice et instrumentiste (violoncelle), illustre musicalement la pièce. Elle dit aussi d'une voix ferme les interventions et la "normalité" du monde extérieur. Enfin, Jean Doucet joue Charles et ses envies de vie autre, met en scène, et fait les deux brillamment. Nulle surprise donc à ce que le spectateur ressorte conquis par ce quatuor.