Humour - Paris
Quelque chose à vous djire
Islam, humour et petits fours
Par Laurine ANTONIOL
« La vérité Monique ? Moi je l’aime pas ce Joe Dassin... Dis moi, 'L’été indien', c’est pas une chanson qui a été écrite exprès pour énerver les Algériens ? 'On ira où tu voudras quand tu voudras'... Où ? Quand ? Y’a pas de visa, y’a pas.'
Cette Fatchima a un accent prononcé, la tchatche facile et un avis sur tout. Religion, ramadan, intégration, mariages entre noirs et catholiques..., les sujets fusent, brûlants. Mais, calée dans son fauteuil, pantoufles aux pieds, Fatchima les aborde avec humour et une certaine légèreté. Mais qui est cette Fatchima ? Une femme de là-bas ou d’ici ? Ou les deux ? Quelle importance. Quand elle se lève le matin, Fatchima ne se pose pas toutes ces questions. Elle a juste «envie d’un café». Comme tout l'monde.
Si Fatchima est le personnage central avec sa répartie incessante et sa gouaille écrasante (Monique, son interlocutrice, a souvent du mal à placer quelques mots), elle en fait vivre d'autres comme cette 'sousoulogue' qui l'embrouille avec ses concepts d’ «algéritude» et de «francitude»; ou comme ce 'Monsieur Bernard', 'le bras droit de la tête du directeur' et encore la fille, Hayat.
Patchwork
Cette Hayat est un modèle de réussite. Diplômée de Science Po, elle a obtenu le job de ses rêves : elle est chargée de com au « Ministère de la visibilité » (ndlr le spectacle a été écrit en 2004, bien avant donc la création du feu « Ministère de l’Immigration et de l’Identité Nationale ») Mais sous prétexte que la «visibilité ça se mérite », et malgré ses qualifications, Hayat va vite devenir une « discrimination positive » à elle toute seule, contrainte d’exacerber ses origines pour soi-disant mieux s’intégrer. Des origines dont le « poids familial » peut s’avérer difficile à porter.
La force de « Quelque chose à vous djire » tient dans cette façon de rire de tout ou presque, même de situations délicates et parfois tragiques. Rire tout en prenant conscience des questions essentielles aujourd'hui : la place, en France, de citoyens issus de l’immigration, tiraillés entre deux, voire plusieurs cultures.
Souâd Belhaddad porte à bout de bras ce spectacle avec un jeu (je?) tout en finesse et en justesse. Assurément drôle, parfois grave, par des détours de langage, des mimiques dignes des plus grands humoristes, elle nous entraîne, nous capture dans ses mondes, ses univers passionnés et passionnants... On espère la revoir vite et qu'elle aura encore beaucoup à nous 'djire'.